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Democratie en Afrique

La démocratie coûte-t-elle trop cher ? 
 
 
Parmi ceux qui, au début de la décennie 90, traînaient les pieds pour aller à la démocratie, il doit y en avoir qui se mordent les doigts à se les amputer. Ils croyaient que l'Etat de droit et ses exigences institutionnelles supposaient la fin des privilèges matériels et autres avantages financiers. Ils constatent aujourd'hui que l'avènement de la république n'est pas automatiquement synonyme d'austérité. Pas pour tout le monde, en tout cas.  
Une décennie après les injonctions de la Baule, on constate que les perdants de la vague démocratique ne sont pas forcément ceux qui pensaient être dépouillés de leurs "acquis". Ils se trouvent plutôt du côté des populations. Une fois encore. Après un tour panoramique des différentes expériences, on est obligé de convenir, avec l'humoriste, que, dans beaucoup de pays où le changement de système politique ou de gouvernement a eu lieu, il a été comme... jeter un citron et mordre dans un autre, en espérant qu'il serait moins amer. Seul véritable changement, de nouveaux chapitres dans les budgets nationaux...  
La démocratie à pas forcés  
Les institutions financières internationales et autres gourous du renouveau républicain ont parachuté leurs messies pour mettre en place les nouvelles démocraties. Mais ces poulains n'ont pas toujours relevé le défi. Beaucoup sont loin d'être les exemples que l'on espérait, en particulier pour s'être laissé dévoyer par le caractère sonnant et trébuchant de la démocratie. C'est le cas du Congolais Pascal Lissouba, qui a été récemment condamné à 30 ans de travaux forcés lors d'un procès, certes discutable. Son crime : avoir bradé le pétrole congolais comme un vulgaire "bana bana" (vendeur de rue) et en avoir dilapidé les recettes. Avec quatre de ses anciens ministres, il a été condamné à payer 194 milliards de francs cfa. Excessif ? De telles sommes, inimaginables pour le commun des Africains, n'impressionne pourtant pas les dirigeants : Lissouba a reconnu candidement, sur une chaîne de télévision française, avoir acheté sur fonds publics un hôtel privé dans la capitale française, d'une valeur de près de deux milliards de cfa.  
Ailleurs, les exemples d'espoirs démocratiques déçus ne manquent pas. Au Bénin, qui a donné le coup d'envoi de la nouvelle ère démocratique, on a vu Nicéphore Soglo étaler, après un verdict électoral défavorable, un manque de fair-play indigne d'un homme politique de son rang.  
Et que dire du Zambien Frederick Chiluba, l'ex-syndicaliste entré en politique par la grande porte démocratique, mais qui en est ressorti comme un minable resquilleur, après avoir honteusement exclu son prédécesseur et vainement tenté de modifier la Constitution pour rebeloter ?  
Si les hommes déçoivent, les systèmes pourraient aussi être remis en cause. De par leurs coûts, ils constituent parfois leurs propres prédateurs. L'ensemble du fonctionnement institutionnel républicain, avec ses lourdeurs et ses flous, fait parfois douter de la supériorité qualitative de l'Etat de droit sur l'Etat d'exception. Seule certitude aujourd'hui, la démocratie coûte cher. Amer constat. A tous les étages de l'armature institutionnelle démocratique, il y a souvent de l'eau dans le gaz, avec toujours des factures très onéreuses.  
 
Le nerf de la paix  
Tout en haut de l'organigramme étatique républicain, il y a le président, qui est omnipotent, et, sous ses ordres immédiats, un Premier ministre, dont l'utilité est souvent de s'user comme une plaquette de freins, pour amortir et reculer la chute du président. Certains l'ont tellement compris qu'ils en usent et en abusent. On se rappelle difficilement le nombre de Premiers ministres que Patassé a usés en moins d'une décennie. Au Sénégal, Wade, à peine sorti de son état de grâce, en est déjà à son deuxième PM, plutôt sa deuxième...  
Si ces tandems portent sur leurs épaules l'intimidant poids de la destinée de plusieurs millions de personnes, les charges sont compensées par divers avantages qui magnifient la fonction : émoluments consistants, "caisses noires" discrétionnaires, etc.  
Quant au pouvoir législatif, deuxième pièce du dispositif, si sa mission de contrôle de l'action gouvernementale s'exerce dans une discrétion quasi monastique, le traitement financier et matériel auquel ses animateurs ont droit n'a rien à voir avec le monastère. Le dispositif institutionnel des pays francophones, quasi systématiquement inspiré (voire aspiré) du système français, se révèle inefficace à installer une réelle démocratie, agissant comme un cautère sur une jambe de bois ; avec le seul "avantage" de créer des gouffres financiers.  
L'amputation à laquelle on assiste, après coup, dans certains pays est éloquente. Au Burkina, l'Assemblée nationale, sur invitation du gouvernement instruit par le chef de l'Etat, a voté à l'unanimité, en décembre dernier, la suppression de la deuxième chambre du Parlement, appelée Chambre des représentants où les différentes couches socioprofessionnelles étaient censées être représentées. L'empressement et le plaisir jouissif avec lequel les députés ont pratiqué cette "automutilation" se passe de commentaire. A l'exception du président et du personnel administratif qui étaient salariés, les membres de la Chambre des représentants touchaient seulement des indemnités de session. Mais leur entretien coûtait quand même plusieurs millions de francs cfa par an au Trésor public, alors que les " avis " qu'ils émettaient sur les projets de lois n'avaient aucune incidence sur le contenu définitif de ceux-ci.  
Situation analogue au Bénin où la suppression du budgétivore Conseil économique et social n'émouvrait personne.  
On comprend alors les hésitations de Denis Sassou N'Guesso quant à la pertinence d'un Sénat dans son pays. S'il a été maintenu dans la Constitution votée le 20 janvier dernier, c'est un peu malgré Sassou qui le perçoit comme un gouffre financier. Le prix de la représentation des diverses couches socioprofessionnelles - invoquée dans ces cas-là - est élevé. Et pour quel résultat ? Inutilité pour inutilité, tout le monde cherche à en profiter, là où il peut. Et les commissions électorales sont des occasions à ne pas rater...  
 
Tonneaux des Danaïdes  
Au Burkina Faso encore, pays pauvrissime où la démocratie déverse un véritable magot, la perspective des élections législatives du 28 avril est un deal à ne pas manquer. Une Commission électorale nationale indépendante (CENI) a été mise en place. Les membres des sous-sections de cette commission, composée à 70 % de représentants des partis politiques, en sont venus rapidement à un bras de fer peu honorable.  
Objet du litige : les défraiements. Les commissaires trouvaient qu'ils étaient payés en monnaie de singe (à raison de 1 000 francs cfa/jour) pour le travail qui leur était demandé : la supervision des opérations de recensement et de vote. Surtout que le président de la Commission et ses collaborateurs immédiats étaient grassement servis en indemnités qui devaient leur permettre de sortir millionnaires de "l'opération". Le gouvernement a dû intervenir pour fixer par décret le sort "indemnitaire" de tout ce beau monde, afin d'éviter la démission de plusieurs dizaines de commissaires des démembrements provinciaux, départementaux et communaux.  
On aura noté que les conditions de transparence du scrutin ne suscitent pas autant de soucis. Et peu d'intérêt de la part des électeurs. A quelque deux semaines de la clôture des listes électorales, on enregistrait un taux d'inscription de moins de 20 %, dans l'indifférence quasi générale des partis politiques, peu enclins à former leurs militants...  
La démocratie serait donc plus une affaire de préoccupation alimentaire que de principes républicains. L'exemple est sans doute venu d'en haut. Le nomadisme politique, les retournements de veste, la course aux divers privilèges dans les rouages des institutions républicaines ont achevé de convaincre le militant Lambda de la nécessité d'être pragmatique, "concret". Le spectacle du Gabon n'était pas loin du spectacle burkinabè.  
Les magistrats gabonais, détenteurs du troisième pouvoir, aux termes du dispositif républicain, ont observé une grève de plusieurs mois pour revendiquer de meilleures conditions de vie. Aucune négociation n'avait réussi à infléchir leur position et à les faire revenir dans les prétoires. Mais quand il s'est agi de superviser les élections, ils ont accouru avec vélocité. L'argument décisif : des défraiements de 30 000 F cfa/jour durant tout le processus.  
C'est à douter, en définitive, de l'utilité des consultations électorales, rituels démocratiques qui mobilisent cycliquement acteurs politiques et bailleurs de fonds dans un jeu fort dispendieux.  
Au Mali, par exemple, l'ardoise des élections de 2002 s'élève à plus de 5,7 milliards de francs cfa. Dans ce pactole, les 15 membres de la CENI ont chacun une prime mensuelle de 400 000 francs, plus un bon d'essence de 3 000 litres.  
Au Burkina, les législatives prévues à la même date que la présidentielle malienne coûteront près de 5 milliards de cfa. Au Togo, les législatives annoncées, si elles ont lieu, coûteraient un peu plus de deux milliards et demi. Argument tout cuit pour le général-président qui préférait les annuler.  
La loi dit que les partis sont les animateurs de la vie politique. Et il faut donc leur en donner les moyens. Le budget national burkinabè alloue 200 millions aux partis politiques. Au Mali, même montant que l'Etat accorde chaque année aux partis en règle avec les lois. Mais les "ouvriers" de la démocratie, dans ces deux pays, paraissent bien miséreux à côté de leurs confrères gabonais. Au pays d'Omar Bongo, lors des dernières législatives, chaque candidat a reçu 25 millions de francs pour sa campagne. Et ils étaient 810 ! Il est vrai que le Gabon est un pays à revenus intermédiaires.  
 
Démocratie : grattez, y a l'argent dedans !  
Une fois les institutions installées, il faut les entretenir et les faire fonctionner. Combien gagne (ou coûte ?) un président de la République, un Premier ministre, un président d'Assemblée en Afrique ? Mystère sur toute la ligne ! Les rarissimes chiffres, glanés par-ci par-là, laissent entrevoir qu'ils ne sont pas à la diète.  
Si un ministre malien empoche quelque 300 000 francs cfa/mois, ses homologues béninois en ont environ le double. Idem pour les Burkinabè et les Togolais. Un ministre gabonais gagne de 5 à 8 millions de francs/mois. Le titulaire du portefeuille des Finances - placé près du coffre, il est vrai - aurait 30 millions de cfa. Charité bien ordonnée... On comprend pourquoi Omar Bongo assimilait les salaires des fonctionnaires burkinabè à des perdiems. Et la récente mésaventure de son ministre des Affaires étrangères, Jean Ping, qui s'est fait soulager de près de 200 millions de cfa dans un palace parisien, prouve bien qu'un ministre gabonais, ça pèse lourd et ça ne voyage pas les mains vides.  
Faut-il se résoudre à passer par pertes et profits démocratiques ces milliards d'investissements "républicains", si âprement négociés auprès des bailleurs de fonds ? La question se pose de plus en plus. Au Togo, le régime de Eyadéma, "bien" inspiré, a choisi depuis longtemps de ne pas financer les partis politiques ; même si la Constitution togolaise le prévoit. Le RPT au pouvoir serait, lui, financé par des fonds occultes.  
Il y a réellement de quoi s'interroger sur l'utilité de ces gouvernements et Assemblées nationales pléthoriques. Rares sont les équipes gouvernementales de moins de 30 membres. Quant aux Parlements...  
L'Assemblée nationale du Burkina Faso compte 111 élus, pour 12 millions d'habitants. Pourtant, les populations burkinabè pourraient se plaindre d'être sous-représentées par rapport à leurs frères gabonais : 120 élus pour une population de moins d'un million d'habitants.  
Le doute qui s'installe à propos de cette charpente institutionnelle républicaine est de plus en plus épais. Après le désenchantement du " soleil des indépendances ", serait-ce celui du renouveau démocratique ? On ne voit pas d'explications plus solides au retour plébiscité de dinosaures comme Kérékou ou Ratsiraka. Retour qui finit aussi par atteindre ses limites...  
Au Gabon, ceux qui souhaitent le retour du monopartisme franc et sincère, à la place du surplace multipartite actuel, ne sont pas que des nostalgiques. Même chanson au Burkina où certains esprits "chagrins" regrettent l'époque des Comités de défense de la Révolution (CDR), où les délégués étaient élus à la file indienne. Et de plus, ils travaillaient gratuitement.  
En définitive, le bilan des Parlements est plutôt mince. Les lois, à l'initiative des locataires de nos hémicycles, se comptent sur les doigts de quelques mains, après une décennie de pratique démocratique. Ce qui ne les gêne pas de se prévaloir parfois d'un juridisme pointilleux et coûteux. Récemment, le gouvernement malien avait eu la mauvaise inspiration de faire confectionner les cartes électorales pour les consultations à venir. Il s'est vu proprement rappelé à l'ordre. La CENI, prétextant que les cartes avaient été imprimées en son absence, a exigé leur destruction pure et simple. Facture de l'opération : plusieurs dizaines de millions de francs cfa réduits en cendres.  
Les majorités parlementaires sont souvent si écrasantes qu'elles en deviennent infécondes en initiatives législatives. Avec une fâcheuse tendance à s'enraciner, de mille et une manières, plus ou moins frauduleuses. A quoi bon alors procéder à des renouvellements cycliques, si coûteux, qui sont rarement l'occasion de se soumettre vraiment à la sanction populaire ?  
En Côte d'Ivoire, ceux qui ont défendu le trône de Félix Houphouèt-Boigny pendant des décennies, rejetant toute idée d'alternance, disaient qu'un voleur rassasié vaut mieux qu'un voleur affamé. Ce qui se passe depuis la disparition du "vieux" souligne qu'ils n'étaient pas exagérément cyniques. Surtout après le scandale des 18 milliards de l'Union européenne, cet appui à la bonne gouvernance qui a été détourné à la barbe des contrôleurs des bailleurs de fonds, sous le régime "démocratique" de Henri Konan Bédié. Comble de l'ironie, c'est un régime militaire qui a oeuvré à son remboursement.  
 
 
Démoncratiquement vôtre !  
 
La démocratie est certes une épouse coûteuse et exigeante, mais elle reste le moins mauvais des systèmes politiques. C'est Montesquieu qui affirmait, il y a plusieurs siècles déjà, que " lorsque, dans une république, le peuple a la souveraine puissance, c'est une démocratie ". Mais la démocratie est-elle aujourd'hui, sous les tropiques et même ailleurs, ce système politique où la souveraineté est vraiment exercée par le peuple?  
Depuis les années quatre-vingt-dix, on a, en fait, assisté à une folklorisation idéologique où le plâtre démocratique n'a pas complètement recouvert les murs autocratiques d'alors. On a ainsi fait un regrettable amalgame entre démocratie et multipartisme. Comme si les chantres du monopartisme n'avaient pas, eux aussi, leur centralisme démocratique qui affirme cette réalité du pouvoir du peuple exercée par le peuple. Mais peut-on déjà oublier les affres de cette galère commune qui bâillonna, réprima et tortura à l'envi, souvent sans possibilité de recours ?  
L'absence de véritable culture démocratique a donné lieu à de monstrueux travers. Dévoyée, interprétée sur mesure, taillée au gré des contingences du moment et des intérêts personnels, la démocratie est devenue un fourre-tout, une "démoncratie" ruineuse. On peut encore, comme le suggère avec aplomb Alfred de Musset, prendre " le temps comme il vient, le vent comme il souffle, la femme comme elle est ". Mais doit-on aussi prendre la démocratie comme elle nous ruine?  

 

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Modifié en dernier lieu le 16.03.2004
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